Des prérequis essentiels pour un vrai travail collectif
La condition première à la réussite de cette démarche, c’est le climat au sein de l’équipe. Isabelle Jarrige insiste : « il faut s’assurer qu’on peut se parler, qu’on peut être d’accord… ou pas ! Notre rôle en tant qu’intervenant externe est de faire quelque chose de ce désaccord ».
Certaines structures ont besoin d’un temps de régulation en amont, surtout lorsque les tensions internes, le turnover ou les changements de direction ont fragilisé les dynamiques collectives. Dans ces contextes, le regard extérieur d’un accompagnant peut faire toute la différence, en redonnant du sens, de la méthode, et surtout, du temps.
Un document structurant… mais pas technocratique
Si le projet d’établissement est un cadre formel, il ne doit pas devenir un outil déconnecté du terrain. Il doit au contraire permettre de valoriser les pratiques, les savoir-faire, les initiatives locales.
« Structurer la pensée et l’action par des écrits, ce n’est pas déconnecter les professionnels du terrain. Au contraire, c’est aussi leur permettre de valoriser ce qu’ils font déjà mais qui n’est pas toujours perceptible », rappelle Yann Lecouturier.
C’est aussi un levier de négociation avec les financeurs et les autorités de contrôle, un espace pour rendre visible ce qui est souvent invisibilisé dans les pratiques du quotidien.
Un outil au service de la qualité… et de la fidélisation
Dans un contexte marqué par un turnover élevé, la pénurie de personnel et un sentiment d’épuisement des équipes, le projet d’établissement peut jouer un rôle fédérateur et mobilisateur.
Comme le rappelle Isabelle Jarrige, « une équipe peut fonctionner sans direction, mais pas l’inverse, il faut toujours garder ça en tête. Si le projet est bien mené, il peut recréer du lien, du sens, de la stabilité ».
C’est un outil de cohésion, mais aussi de reconnaissance, qui peut contribuer à fidéliser les professionnels en redonnant de la visibilité à leur engagement.
Un pilier de l’évaluation qualité
Dans le cadre de la nouvelle démarche d’évaluation de la qualité conduite par la HAS, le projet d’établissement peut être une vraie boussole pour l’équipe. Yann Lecouturier rappelle que ce document, co-construit avec la gouvernance, les professionnels et les personnes accompagnées, « permet de définir ce qui est fait aujourd’hui, avec qui, et dans quel objectif, tout en traçant une perspective d’adaptation aux besoins des personnes accompagnées et aux évolutions du secteur ».
Il ne s’agit donc pas seulement d’un document interne : le projet d’établissement constitue une clé de lecture essentielle pour les partenaires, financeurs mais aussi pour les évaluateurs qui viennent rencontrer la structure. “Il donne à voir l’identité de l’établissement, les valeurs qu’il porte, les moyens mobilisés, les publics accompagnés et la manière dont les actions sont mises en œuvre. Lors de l’évaluation, il fait partie des éléments de preuve mobilisés pour apprécier la qualité de l’accompagnement, en cohérence avec les critères du référentiel HAS.”
La récente obligation, introduite par le décret de 2024, d’y intégrer une évaluation des risques de maltraitance, renforce son importance. “C’est à la fois une feuille de route stratégique pour l’établissement, et un repère opérationnel dans le quotidien des équipes. Son actualisation tous les cinq ans, en lien avec l’évolution des pratiques et du cadre réglementaire, permet de garantir une démarche continue d’amélioration de la qualité, articulée avec les attendus de la HAS.”
En résumé : 5 principes pour un projet d’établissement vivant
- Co-construction avec tous les acteurs (professionnels, gouvernance, usagers, familles),
- Ancrage terrain : partir de ce qui est fait et de ce qui doit évoluer,
- Réflexion collective : ouvrir un espace de parole et de pensée,
- Mise en œuvre suivie : comité de pilotage, objectifs, échéances,
- Référenciel HAS : maltraitance, droits, participation, bientraitance…