Les jeunes et la pandémie : un état des lieux alarmant

Les jeunes et la pandémie : un état des lieux alarmant

Colère, frustration, dépression, paupérisation… À l’heure où l’on se construit en tant qu’adulte, la Covid-19 a plongé toute une génération dans le désarroi. En plus de renforcer les inégalités entre les jeunes et la pauvreté des plus vulnérables, les psychologues constatent partout l’impact de la pandémie sur leur santé mentale. Face à ce terrible constat, plusieurs voix s’élèvent pour que des mesures fortes soient prises : RSA pour les 18-25 ans, garantie jeune universelle, dispositif de suivi psychiatrique… Cela sera-t-il suffisant pour « réparer » cette jeunesse ébranlée ? Une chose est sûre : les jeunes qui ont fait l’expérience de la crise sanitaire en sortent profondément transformés !

Une génération abîmée par la crise sanitaire

Une précarité durablement accrue

Dès novembre 2020, au moment où le second confinement débutait, l’Observatoire des inégalités affirmait déjà que les jeunes allaient « payer l’addition en matière d’emplois et de revenus ». Si depuis plus d’un an, la pandémie a renforcé les inégalités et les fragilités de la société française, elle a, de fait, lourdement touché la jeunesse. Lycéens, étudiants, collégiens, jeunes déscolarisés : tous ont subi le choc de la rupture de lien social, auquel s’est ajouté celui de se retrouver sans ressources et sans aide. La crise sanitaire a accentué la pression inégalitaire au sein même de cette génération, déjà marquée par une forte compétition sociale.

Un rapport d’enquête parlementaire publié en décembre 2020 indiquait ainsi que 30 % des jeunes avaient renoncé à l’accès aux soins pendant la Covid-19, faute de moyens. Le risque de décrochage scolaire lié au confinement des moins diplômés a également augmenté, touchant 4,7 % des élèves au collège, 3 % en lycée général et 9,7 % en lycée professionnel. On pense évidemment ici aux conséquences de l’enseignement à distance sur la fracture numérique.

Lire les chiffres de cette enquête, c’est mesurer l’urgence d’agir en faveur de cette jeunesse abîmée pour longtemps. En France, pays classé au 6e rang mondial pour son PIB (Produit Intérieur Brut), 2,9 millions de mineurs sont en situation de pauvreté, soit 21 % ! Les moins de 30 ans représentent 35 % de la population et près de 50 % des personnes pauvres. Quelle tristesse !

Dans ce contexte, ont fleuri çà et là des initiatives pétries d’humanité, illustrant l’insuffisance des plans gouvernementaux (comme celui d’“un jeune, une solution”) mis en place pour pallier les difficultés de subsistance des jeunes. Nous pensons par exemple à ces lycéens de Dordogne menant une action de solidarité en faveur d’étudiants en médecine en récoltant pour eux des fruits et des légumes invendus sur les marchés. Car oui, être jeune au temps de la Covid-19, c’est – parfois – ne pas pouvoir se nourrir assez. Selon un sondage CSA Research pour Cofidis publié le 8 juin 2021, 23 % des jeunes âgés de 25 à 34 ans ont fait appel à une association ou à l’aide alimentaire au cours des douze derniers mois… soit un quart de la tranche d’âge.

« Les jeunes font leur monde dans cette crise gigantesque et ils subissent non seulement la précarité générale, mais leur précarité propre. Brusquement, ils sont arrêtés dans leur recherche de la vie. »

Edgar Morin

La santé mentale des jeunes ébranlée

L’impossibilité d’envisager l’avenir dans un contexte de quasi-absence de relations sociales a eu des répercussions fortes sur la santé mentale des adolescents et des jeunes adultes. Avec les confinements successifs, 45 % des jeunes souffriraient de troubles psychologiques et psychiatriques : angoisse, crise de panique, dépression, tentative de suicide. Les privations et la solitude sont venues renforcer les fragilités de certains lycéens et étudiants. Ne pas pouvoir trouver de travail, réaliser des projets, avoir une vie culturelle, amicale et amoureuse ravive les incertitudes, les doutes et les peurs. La part des 15-24 ans rapportant des symptômes d’anxiété ou de dépression est ainsi deux fois plus élevée depuis la pandémie, comme l’indique une étude de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

« On ne peut pas vivre sans autres. Je ne peux devenir moi-même que parce que vous êtes là. Ce n’est pas toujours facile mais nécessaire. Le covid est en train d’altérer nos relations. Chez les adolescents, le retard pourrait ne pas être rattrapable. »

Boris Cyrulnik

Le contexte environnemental, cognitif ou biologique forme un équilibre instable. Dans un vase déjà empli de souffrances psychiques, une goutte d’eau peut faire basculer une situation douloureuse en événement tragique. Les professionnels de santé alertent d’ailleurs sur l’avalanche de drames sur les campus étudiants, dans les familles déchirées ou sous les toits parisiens.

Jeunesse au temps de la Covid-19 : et demain ?

Ouvrir le RSA aux 18-25 ans

Les 18-25 ans sont moins vulnérables face au virus que leurs aînés, et pourtant ils en paient le prix fort. Avec l’ouverture des restaurants, des bars, des terrasses, la reprise des activités culturelles et sportives, on peut espérer que la vie reprenne son cours normal. Sauf que la précarité ne va pas disparaître pour autant. Et que rien n’ira plus de soi pour ces lycéens et étudiants stoppés nets dans la construction de leur projet de vie. L’ampleur de la cicatrice dépendra des choix économiques et politiques pris dans les années à venir. En la matière, il est urgent que le gouvernement étende le Revenu de Solidarité Active aux 18-25 ans !

La Garantie Jeune Universelle

« Dans l’urgence oui, c’est une bonne solution, il faut mettre en place ce RSA au plus vite ». Pour la Fédération des associations générales étudiantes (Fage), la première organisation syndicale étudiante de France, étendre le RSA aux plus jeunes est une urgence, mais pas une solution suffisante, notamment parce qu’elle ne prend pas en compte le besoin d’accompagnement humain des jeunes. Pour le syndicat, il faut assortir le RSA d’une garantie jeune universelle. En tout état de cause, la crise a mis en lumière les limites d’un modèle de soutien basé sur l’aide familiale et les ressources personnelles des étudiants. Elle a aussi renforcé le sentiment de décalage entre la jeunesse et les générations précédentes : « En France, les refus répétés et assumés du gouvernement d’étendre le RSA aux moins de 25 ans ont marqué les esprits d’une partie d’entre eux. » Camille Peugny, sociologue spécialiste de la jeunesse, citée dans Le Monde.

Vivre avec une nouvelle « carte du monde »

Le choc de la crise sanitaire a profondément bouleversé l’entrée dans la vie et la vision du monde des jeunes adultes. Face à cette crise inédite et au moment où ils bâtissent leur identité et leur altérité, nombre de lycéens et d’étudiants déclarent ainsi avoir revu leurs priorités. Vivre à la campagne, aller au travail à vélo, se recentrer sur sa famille et ses proches, œuvrer pour l’environnement… les jeunes affirment leurs valeurs à la lumière des mois difficiles qu’ils viennent de subir et se dessinent une nouvelle carte du monde pour leur avenir. Nombre d’entre eux se vivent comme la génération sacrifiée et n’accordent plus aucune confiance aux institutions.

« On n’est pas sérieux quand on a 17 ans » déclamait Arthur Rimbaud en 1870. Difficile de ne pas penser avec émotion à cette jeunesse privée d’insouciance, précipitée dans la précarité (et la pauvreté !) dans une société majoritairement réticente à toute forme d’aide inconditionnelle. Reconnaissons à ces jeunes leur merveilleuse capacité à la débrouillardise et à la résilience pour se bâtir coûte que coûte un avenir à l’image de leurs valeurs naissantes.

« On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans.
– Un beau soir, foin des bocks et de la limonade,
Des cafés tapageurs aux lustres éclatants !
– On va sous les tilleuls verts de la promenade. »

Arthur Rimbaud, 1870.
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