Quelles sont les causes du trouble de stress post-traumatique chez les migrants ?
Les personnes qui migrent pour des raisons de sécurité (violences sexuelles, guerres, etc.), ont plus de risques de développer un trouble de stress post-traumatique que des personnes quittant leur pays d’origine pour des raisons économiques. Trois éléments sont à prendre en considération :
Les horreurs vécues avant la migration
Avant même qu’ils n’entament leur voyage chaotique, nombreux sont les migrants qui ont déjà été victimes de violences. Ils peuvent avoir vécu des guerres, des deuils, des périodes d’emprisonnement. Dans tous les cas, ils ont subi des chocs traumatiques qui peuvent déclencher un trouble de stress post-traumatique complexe. Les évènements terribles qu’ils ont vécus les rendent vulnérables et augmentent le risque de dépression.
Les difficultés rencontrées pendant le trajet de migration
Les migrants décident de partir de leur pays natal pour fuir les horreurs et tenter de survivre. Ils savent qu’ils ne pourront peut-être plus jamais retourner chez eux, que le voyage sera extrêmement risqué, et que les pays d’Europe sont réticents à les accueillir. Certains meurent en mer, d’autres subissent d’autres évènements traumatisants comme des viols, la prostitution, etc.
Le parcours du combattant à l’arrivée dans le pays d’accueil
Lorsque les migrants arrivent dans un pays d’accueil, ils peuvent se retrouver face à l’agressivité de la population qui refuse leur intégration. Les démarches de demande d’asile sont également très complexes.
Ils sont souvent considérés comme dangereux, et leur passé douloureux est parfois totalement ignoré. Ils se heurtent à l’incompréhension de ceux qui les accueillent. Ce refus du pays d’accueil de voir leur souffrance exacerbe leur traumatisme. Ils prennent conscience que le pays dans lequel ils arrivent ne correspond pas à leurs espérances.
Certains sont obligés de quitter ce pays d’accueil parce qu’ils n’inspirent pas confiance, d’autres bénéficient d’un statut protecteur s’ils parviennent suffisamment à montrer patte blanche. Il leur est demandé de raconter leur histoire afin qu’ils puissent convaincre qu’ils ont besoin d’aide. Encore faut-il qu’ils en soient capables. Bien souvent, ils ne parviennent pas à mettre en mots les chocs qu’ils ont subis. Ils peuvent également être victimes d’amnésie traumatique, ce qui signifie que la personne n’a plus conscience des violences qu’elle a subies pendant une période donnée.
Les personnes migrantes risquent ainsi de ne pas être prises au sérieux, et leur demande d’asile n’est alors pas prise en compte. Pourtant, pour être en mesure de raconter ce qui leur est arrivé, elles ont besoin d’être soignées. C’est malheureusement le processus inverse qui est mis en place.
Une fois dans le pays d’accueil, la plupart des migrants vivent également dans des conditions très précaires. Ils sont parfois séparés des autres membres de la famille restés au pays ou décédés pendant le trajet de migration, ils se heurtent au racisme, etc. Ils peuvent vivre de nouveau des situations bouleversantes, qui réactivent les souvenirs traumatiques et aggravent le trouble de stress post-traumatique.
Ces souvenirs traumatiques refont notamment surface lorsque la personne migrante doit raconter son parcours dans le cadre de sa demande d’asile.
Comment prendre en charge les personnes migrantes ?
La prise en charge des migrants souffrant de stress post-traumatique est particulièrement compliquée. Les professionnels du secteur social et médico-social sont souvent dépassés face à la demande grandissante de soins chez cette population. Ils peinent à établir un diagnostic précis au vu des nombreux symptômes complexes auxquels ils sont confrontés. De plus, l’offre de soins est insuffisante par rapport aux besoins de ces populations migrantes, ce qui place les professionnels dans une impasse.
À leur arrivée dans le pays, les migrants sont également confrontés à des démarches administratives qui ralentissent leur accès aux soins. En France, la demande d’asile est en effet la première phase leur permettant d’accéder aux traitements dont ils ont besoin. La barrière de la langue est aussi un frein non négligeable, ce qui implique pour les professionnels de trouver des interprètes qualifiés.
Un décentrage culturel est nécessaire
En fonction de leur culture, les individus n’expriment pas leur souffrance de la même façon. Cela peut perturber les professionnels du pays d’accueil qui peuvent mal interpréter certains symptômes parce qu’ils ne sont pas suffisamment formés ou ne parviennent pas à décoder certains signes de souffrance. Il faut ajouter que dans certaines cultures, certains troubles comme la maladie mentale sont fortement condamnés, ce qui accentue les difficultés d’apporter des soins. Par exemple, un migrant peut refuser son internement en hôpital psychiatrique parce que sa culture condamne les troubles psychiques. Le professionnel doit donc essayer de s’adapter aux représentations des personnes d’une autre culture autour du soin. Il fournit ces soins dans le respect des différences culturelles. Pour cela, il est important que le professionnel rejoigne la vision du monde de l’autre et ne lui impose pas ses propres représentations.
Il est important que la prise en charge soit pluridisciplinaire
Le diagnostic de trouble stress post-traumatique est difficile, car des symptômes physiques accompagnent les souffrances psychiques. C’est pourquoi il est important que les professionnels de disciplines différentes travaillent en réseau.
Comme les migrants sont souvent réticents à évoquer un problème psychique et mettent plutôt en avant des problèmes physiques, le professionnel doit leur faire comprendre que même si les examens médicaux sont normaux, il est possible de mettre en place un cadre thérapeutique pour soulager leur douleur morale (psychothérapie, traitement médicamenteux, etc.).
De plus, les migrants souffrant de stress post-traumatique n’ont pas toujours conscience qu’ils sont atteints par ce trouble psychiatrique, même s’ils ont des symptômes qui les handicapent au quotidien (troubles du sommeil, idées suicidaires, etc.). C’est pourquoi ils doivent pouvoir accéder à des soins psychiatriques adaptés et bénéficier d’un suivi des accompagnements. Cette continuité des soins est largement facilitée si les professionnels travaillent en partenariat.
L’alliance thérapeutique est essentielle
La relation entre le professionnel et le patient est essentielle. Une écoute active permet à la personne exilée de prendre conscience qu’elle est entendue et qu’elle peut se confier en toute sécurité. Cette écoute donne la possibilité au professionnel de démontrer la gravité de son état et de mettre en place un parcours de soins. C’est aussi cette oreille attentive qui permet au migrant d’améliorer sa santé mentale puisqu’il se sent en confiance.
Il faut également garder à l’esprit que beaucoup de migrants ont constamment l’angoisse de devoir retourner dans leur pays d’origine, et ainsi de devoir interrompre cet accompagnement qui leur permet d’aller vers un mieux-être.
Les intervenants essaient de déceler les blessures invisibles
Les professionnels doivent tenter de détecter ce que l’on appelle les blessures invisibles, que les migrants ne parviennent pas à exprimer. Ces symptômes sont souvent difficiles à repérer, ce qui complexifie le parcours de soins.
En effet, il n’y a pas que les évènements vécus dans le pays d’origine et pendant le voyage qui créent ce stress post-traumatique. Ce sont aussi les conditions de vie dans le pays d’accueil, les démarches difficiles pour obtenir l’asile, etc., qui aggravent ce trouble. Les professionnels doivent pouvoir détecter toutes ces difficultés. Cela passe par un accompagnement spécifique qui prenne en compte les problèmes liés à la vie dans le pays d’accueil (isolement, rejet de la population, logement précaire, etc.).
Les professionnels doivent être à l’écoute de leurs émotions
Entendre au quotidien des histoires traumatisantes vécues par les personnes migrantes peut également entraîner de la souffrance chez les travailleurs sociaux. Ces derniers doivent donc pouvoir prendre du recul et bénéficier d’espaces d’échanges pour mettre à plat leurs difficultés. Cela est notamment possible grâce aux groupes d’analyse des pratiques (GAP), qui permettent aux professionnels d’exposer leurs problématiques et de rechercher collectivement des solutions.
La formation est essentielle pour les intervenants du secteur social et médico-social
De nombreux professionnels ne se sentent pas assez formés pour prendre en charge les traumatismes des personnes migrantes, voire émettent des réticences.
Chez Epsilon Melia, nous avons créé une formation à destination des professionnels du secteur social et médico-social pour les aider à prendre efficacement en charge les mineurs non accompagnés souffrant de traumatismes de l’exil. Ce type de public est particulièrement touché par le trouble de stress post-traumatique, ce qui implique un accompagnement spécifique.
Vous souhaitez en savoir plus sur ce programme ou sur les autres formations continues que nous proposons aux acteurs du social et médico-social ? N’hésitez pas à nous contacter.
Nous remercions Ogobara Kodio, Docteur en ethnopsychiatrie, pour sa participation à la relecture de cet article.