I. Définition de la théorie de l’attachement
Un besoin vital et universel
La théorie de l’attachement est un courant majeur de la psychologie du développement, centré sur la nature du lien affectif qui unit un enfant à ses figures de soin. Selon cette approche, l’être humain naît avec un besoin inné de proximité, de protection et de réassurance : c’est ce besoin, aussi essentiel que se nourrir ou dormir, qui fonde l’attachement. Dès les premiers mois de vie, le nourrisson recherche activement le contact avec une figure familière, dont la présence bienveillante va constituer un havre de sécurité en cas de détresse, mais aussi une base de sécurité à partir de laquelle il pourra explorer le monde qui l’entoure.
Ce lien précoce est bien plus qu’un simple confort émotionnel : il conditionne le développement psychique, social et cognitif de l’enfant, tout en posant les jalons de ses futurs rapports aux autres. Il permet notamment l’émergence de la confiance, de l’estime de soi et des capacités d’autorégulation.
Les figures fondatrices : Bowlby, Ainsworth, et au-delà
La théorie a été formalisée dans les années 1950 par John Bowlby, pédopsychiatre britannique, à la suite de ses travaux sur les conséquences des séparations prolongées chez les enfants pendant la Seconde Guerre mondiale. Il s’oppose alors à la vision psychanalytique dominante, qui réduisait le lien mère-enfant à un attachement alimentaire ou pulsionnel. S’appuyant sur l’éthologie (Konrad Lorenz, Harry Harlow), la psychologie cognitive et la cybernétique, Bowlby considère au contraire l’attachement comme un système motivationnel primaire, au même titre que la recherche de nourriture ou de chaleur.
Dans les années 1970, Mary Ainsworth, psychologue américaine et proche collaboratrice de Bowlby, apporte une contribution majeure avec son expérimentation dite de la « situation étrange », qui met en évidence différents styles d’attachement selon la manière dont l’enfant réagit à la séparation et aux retrouvailles avec sa figure de référence. Elle introduit également la notion essentielle de « base de sécurité », à partir de laquelle l’enfant peut se détacher sans danger et revenir au besoin se ressourcer.
Enfin, Boris Cyrulnik, neuropsychiatre et vulgarisateur, a contribué à élargir la portée de la théorie en insistant sur sa dimension résiliente et évolutive. Selon lui, l’attachement est un levier d’autonomie, une force qui permet de se réparer, de se reconstruire, et de tisser des liens plus libres et plus conscients tout au long de la vie.
II. Les fondements de l’attachement chez l’enfant
La figure d’attachement : un repère sécurisant et singulier
Dès la naissance, l’enfant est biologiquement programmé pour rechercher la proximité d’une personne qui saura répondre à ses signaux de détresse. Cette personne devient ce que la théorie nomme une figure d’attachement — souvent un parent, mais pas exclusivement. Il peut aussi s’agir d’un·e professionnel·le de la petite enfance, d’un grand-parent, ou de toute personne offrant des soins stables, prévisibles et sensibles. C’est la qualité de la relation, bien plus que le lien biologique, qui fonde l’attachement.
L’enfant peut développer plusieurs figures d’attachement hiérarchisées, selon le degré de sécurité que chacune lui procure. Ainsi, le père n’est pas seulement une figure secondaire : il joue un rôle déterminant, souvent associé à la stimulation, au jeu et à l’exploration. Ce système relationnel forme la trame affective dans laquelle l’enfant inscrit ses premières expériences du monde.