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Comment protéger les enfants au cœur des conflits parentaux ?

Les disputes font partie de la vie ! Un désaccord entre 2 personnes est l’occasion d’exprimer son opinion, de trouver ensemble les solutions pour améliorer une situation. Mais quand la violence prend le dessus, le conflit détruit plutôt qu’il construit. Ainsi, lorsque des parents se séparent ou dans un contexte de violences conjugales, les disputes dont l’enfant est témoin peuvent avoir des conséquences graves sur son développement. Il revient aux pères et mères, aux travailleurs sociaux et parfois au juge des affaires familiales de le protéger. Nous vous proposons ici quelques clefs de compréhension et d’accompagnement pour conflit parental et protection de l’enfance.

Comprendre le défi de la parentalité après une séparation

Lorsqu’un couple se sépare, les ex-partenaires renoncent à tout ce qui les liait : ils n’ont plus de vie sexuelle commune, la maison est vendue, le divorce rompt le contrat de mariage… Mais il est des liens indéfectibles : ceux, biologiques – et aussi affectifs, éducatifs – qui les rattachent à leurs enfants. En fait, si le couple conjugal n’est plus, les anciens amoureux demeurent des parents

À quoi sont confrontés les parents ?

La coparentalité n’est pas toujours facile à exercer dans ces conditions paradoxales. D’autant que la séparation est un moment douloureux qui peut affecter la communication entre les adultes. Par exemple, le conjoint qui en est à l’initiative peut privilégier sa « nouvelle vie » sans chercher à s’embarrasser de l’autre. De même, celui ou celle qui est quitté(e) peut manifester sa colère, son agressivité et refuser de collaborer. 

Il arrive que les familles résolvent ces crises d’elles-mêmes. Mais parfois, le conflit est plus profond et menace l’intérêt de l’enfant. Celui-ci est utilisé par ses parents, plus ou moins à leur insu, pour attaquer, se défendre ou se venger. À ce sujet, le psychiatre Michel Delage écrit

« Le conflit ne se développe pas seulement avec l’ex-conjoint, mais aussi autour et à propos de l’enfant devenu un enjeu identitaire, un objet d’appartenance, un rempart narcissique. C’est pourquoi il s’agit, dans la séparation, de revendiquer le droit d’être parent. »

Dans les cas extrêmes, une procédure judiciaire est engagée pour le droit de garde de l’enfant. Les professionnels de la justice et du médico-social sont alors sollicités.

À quoi sont confrontés les enfants et comment les aider ?

Quelles qu’en soient les conditions, la séparation engendre une forme d’incompréhension chez l’enfant. À cela s’ajoute un changement d’organisation déstabilisant : déménagement, garde alternée, etc. Pour désamorcer colère, souffrance ou non-acceptation, le parent prendra le temps d’expliquer la situation avec des mots adaptés à l’âge de son enfant. L’attention, la disponibilité, l’empathie de son papa et de sa maman l’aideront à s’apaiser. 

Bien sûr, la situation est aussi nouvelle pour l’adulte et il lui faut du temps pour trouver la bonne posture. Découvrez les conseils de la plateforme Communoutils pour tenir le cap dans les moments délicats : 

➡️ Conseils d’un enfant à ses parents séparés ;

➡️ Conseils d’un enfant à ses parents en procédures légales.

Lorsque le conflit parental dégrade fortement la relation éducative, des problèmes plus graves peuvent apparaître. La réaction de l’enfant varie selon son âge et son profil, de l’agressivité à la tristesse voire au repli sur soi. Un rapport du Ministère de la Justice du Canada (2004) constate :

« Les enfants dont les parents sont hostiles, agressifs et aux prises avec des conflits graves sont plus susceptibles de présenter des problèmes comportementaux, émotionnels et sociaux (Johnston 1994). Ils sont également plus susceptibles d’avoir peu d’estime de soi (Kelly 1993). »

Rapport préparé par Pauline O’Connor, chercheuse indépendante en matière de politiques.

L’enfant ou l’adolescent en souffrance peut être orienté vers un thérapeute ou vers l’aide sociale à l’enfance.

Conflit parental et protection de l’enfance : connaître les conséquences graves des violences conjugales

Le même rapport canadien précise que, dans la plupart des cas, les difficultés de ces enfants étaient présentes avant la séparation. Ce ne serait donc pas le divorce qui les affecterait directement, mais le conflit dans lequel il s’inscrit. Cette observation est d’autant plus pertinente dans les situations de violences conjugales

Les violences conjugales, un enjeu pour la protection de l’enfance

La violence exercée par l’un des conjoints sur l’autre se répercute sur l’enfant, co-victime de cette maltraitance. De nombreuses études le montrent, ces mauvais traitements impactent son développement physique et psychologique avec des conséquences jusque sur sa vie d’adulte. Les symptômes et les difficultés évoluent selon l’âge : capacités intellectuelles minorées, échec scolaire, troubles du comportement, maladies psychosomatiques…

Des mauvais traitements au stress post-traumatique

Les violences conjugales ne sont pas qu’une suite de passage à l’acte. Elles créent un climat d’insécurité constante pour le parent victime et l’enfant. Celui-ci a peur que son parent soit blessé ou tué. Il assiste à des scènes violentes – cris, coups, menaces, douleur… – qui éveillent en lui un sentiment d’impuissance, d’horreur, de culpabilité parfois. 

L’enfant est ainsi susceptible de développer des troubles du stress post-traumatique (TSPT). Cauchemars répétés, évitement, symptômes neurovégétatifs (fatigue, panique, étourdissement, etc.)… Les TSPT sont très handicapants au quotidien.

Parler pour accompagner les mineurs en danger et les aider à gérer leurs émotions

Comment accompagner ces enfants au vécu douloureux ? Une réponse possible nous est donnée par cette jolie citation de Boris Vian : « La violence est inversement proportionnelle au nombre de mots qu’on a dans la tête. »

La parole, en effet, est un outil fondamental pour les parents et les travailleurs sociaux. Rompre le silence au sujet de la violence est la première condition pour entrer dans une relation d’aide.

Que puis-je dire à l’enfant ou l’adolescent ?

L’enfant co-victime de violences conjugales a besoin d’être rassuré. Il a besoin d’entendre qu’il n’y est pour rien et qu’il peut être aidé

« Ce que ton père/beau-père, ta mère/belle-mère a fait s’appelle la violence. »

« La loi interdit et punit les violences. »

« La violence n’est pas de ta faute, ni de la faute de ta maman/ton papa. »

« Il existe des personnes qui peuvent vous aider toi et ta maman/ton papa. »

Extraits du livret d’accompagnement du court-métrage Anna (référence en fin d’article).

Que puis-je lui transmettre ?

Dans un premier temps, l’enfant a besoin d’apprendre à se mettre en sécurité à la maison, à appeler les secours ou la police quand il se sent en danger. 

Sur le long terme, un travail sur les émotions sera nécessaire. L’enjeu est que l’enfant comprenne que la violence est inacceptable et qu’il existe d’autres modalités pour entrer en relation avec l’autre, y compris quand on est triste ou en colère. Le professionnel peut aussi lui offrir des espaces privilégiés pour faire face à ses souvenirs traumatiques dans un cadre sécurisant.

Enfin, il est important de le sensibiliser ces enfants et ces ados à la notion d’égalité. Grandir dans un contexte de violences dans le couple apprend aux enfants et aux adolescents que les relations se jouent sur le mode dominant-dominé. Il faut sortir de cette croyance dangereuse qui risque de déboucher sur une répétition des comportements violents !

Il existe plusieurs ressources à destination des professionnels de la protection de l’enfance. En voici quelques exemples :

  • Livret d’accompagnement de la brochure La santé des enfants exposés aux violences conjugales, édité par le Conseil Général du Puy-de-Dôme.
  • Court-métrage Anna sur les violences faites aux femmes et son livret d’accompagnement, un outil de la MIPROF (Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains).
  • Boîte à outils jeunesse en ligne de la Table de concertation en violence conjugale de Montréal (TCVCM).

Tout conflit parental peut constituer une menace pour la protection de l’enfance. Si certaines situations permettent le maintien d’une communication entre adultes et avec l’enfant, d’autres nécessitent l’intervention d’un tiers. De nombreux outils existent pour le médiateur éducatif, qui l’aident à mener un accompagnement efficient.