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Tableau d'un artiste sur l'art brut comportant des tons pastels

Qu’est-ce que l’art brut ? Quelle est sa place dans le social ?

Appelé tour à tour art des fous, art hors-les-normes, art singulier, outsider art, etc., l’art brut attire aujourd’hui les grands musées et prend toute sa place. Pourtant, avant de susciter l’engouement et de devenir populaire, il a d’abord été un courant considéré comme étant à l’écart de la société. Mais qu’est-ce que l’art brut ? Quelle est sa place en travail social ?

Définition de l’art brut

C’est l’artiste français Jean Dubuffet qui invente le terme d’art brut dans les années 1940, dont il est le premier théoricien. Il trouvait des œuvres dans les hôpitaux psychiatriques, dans des centres de détention, dans des endroits perdus. 

La plupart des personnes réalisant ces œuvres souffrent de fragilité mentale, sont excentriques ou solitaires. Elles n’ont pas conscience d’être artistes, elles représentent leurs expériences personnelles à travers leurs productions. 

Les artistes de l’art brut créent, mais sans avoir envie d’appartenir à un champ artistique particulier ni d’en retirer une quelconque reconnaissance ou rémunération. Ils ne se soucient pas non plus de ce que les autres vont penser de leurs œuvres, car ils créent pour eux-mêmes.

L’art brut est donc pratiqué par des personnes qui ne sont pas formées à la culture artistique, qui sont autodidactes. Ces artistes ont leur propre style, et produisent des œuvres poignantes, qui à la fois dérangent, choquent, ou émeuvent. Ils ne sont donc pas dans l’imitation.

L’art brut accueille toutes les formes artistiques, qu’il s’agisse de sculpture, de dessin, de peinture, etc. Mais pour Dubuffet, l’objectif de l’œuvre ne doit pas être de faire de l’art.

La notion de brut fait référence à la spontanéité, elle se distingue de la culture dans le sens où l’artiste n’a pas conscience de ses facultés créatrices, il s’agit d’un exutoire. Selon Bruno Decharme, collectionneur français d’art brut, ces artistes ont d’autres façons de penser le monde dans lequel ils vivent, et leurs œuvres nous amènent à nous interroger sur notre propre vécu.

L’une des caractéristiques de l’art brut est que les personnes qui créent ce type d’œuvres rejettent la société dans laquelle elles vivent, ses valeurs. 

Un art souvent confondu

L’art brut est souvent assimilé à l’art des fous. Pourtant, Jean Dubuffet fait bien la distinction entre les deux : bien que de nombreuses œuvres d’art brut proviennent d’hôpitaux psychiatriques, il met de côté la maladie mentale pour se concentrer sur le critère de la spontanéité et sur le fait que ces personnes sont extérieures au milieu culturel. Ce sont ces aspects qui l’intéressent. Malgré tout, cette relation entre art brut et art des fous reste confuse, et fait débat.

L’art brut se distingue également de l’art naïf, car même si ce dernier est également pratiqué par des personnes non formées à la culture artistique, il s’inspire de mouvements existants.

Les différentes phases de l’art brut

On distingue plusieurs étapes dans l’art brut : 

Le commencement de l’art brut

Les œuvres de Jean Dubuffet sont souvent considérées comme de l’art brut. Il a des valeurs identiques aux personnes marginalisées qui participent à ce courant artistique, et il va à l’encontre de la stigmatisation de la maladie psychique. À travers ce concept, il souhaite donner une place à ces artistes et justifier leur travail. Vers le milieu des années 1940, il se met à collectionner leurs créations.

Jean Dubuffet fait la rencontre de nombreux artistes souffrant de troubles mentaux ou qui vivent en marge de la société. Parmi les artistes clés du mouvement de l’art brut, nous pouvons notamment citer : 

  • Aloïse Corbaz, internée dans un asile psychiatrique pour schizophrénie. Par ses dessins, elle se crée une sorte d’univers mental dans lequel la figure féminine occupe une large place. Nous avons l’impression que les personnages qu’elle crée représentent un peu la vie qu’elle aurait voulu avoir. Elle aime notamment représenter des couples qui s’embrassent en créant une sorte de fusion entre eux. Ses créations comptent uniquement pour elle ;
  • Adolf Wölfli est tout d’abord emprisonné, puis interné jusqu’à sa mort. Dans ses toiles, il représente un avenir irréel. Il crée également une œuvre de 25 000 pages comprenant des dessins aux crayons de couleurs, des collages, des partitions de musique, etc.

Sa démocratisation

Jean Dubuffet ouvre la Collection de l’art brut au public (musée de l’art brut), à Lausanne, en Suisse. Petit à petit, d’autres lieux culturels commencent à accueillir ces artistes en exposant leurs œuvres. Alors qu’au départ, ces réalisations intéressaient très peu de monde, les expositions finissent par faire entrer ces créations dans le monde artistique.

Les débats autour de l’art brut

Étant donné que les réalisations de ces artistes marginalisés choquent parfois le grand public, cela crée des controverses. La violence de certains thèmes abordés dans leurs créations (actes violents, par exemple) dérange. Mais il faut garder à l’esprit que les artistes qui créent ces œuvres n’ont pas pour projet de les exposer, ils extériorisent leur vécu pour en quelque sorte s’apaiser.

L’art brut aujourd’hui

Aujourd’hui, des musées réputés et des galeries d’art accueillent des expositions d’art brut. C’est le cas, par exemple, du Centre Pompidou, à Paris. Le musée LaM (Lille métropole musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut), expose plus de 5000 œuvres d’art brut. La situation diffère de celle de 1945. L’art brut a sa place, comme toute autre forme artistique.

Des initiatives se mettent également en place pour aider ces artistes de l’art brut à exprimer leur créativité. C’est le cas, par exemple, de l’atelier Goldstein, situé à Francfort, qui offre un espace aux personnes atteintes de troubles cognitifs pour qu’elles puissent déployer leur créativité.

La place de l’art brut en travail social

L’art brut peut avoir toute sa place dans les pratiques professionnelles du champ social et médico-social. En effet, il représente un espace de liberté, et en utilisant cet outil, le travailleur social  : 

  • facilite chez la personne accompagnée la prise de conscience de ses ressources personnelles, l’expression de sa singularité et créativité pour donner du sens à son parcours de vie en retrouvant sa place de sujet ;
  • permet à l’usager de mettre au jour ce qui est refoulé, d’exprimer son vécu pour s’en libérer ;
  • aide la personne en souffrance à lutter contre l’ennui ;
  • fait prendre conscience à la personne qu’elle peut créer sans se préoccuper du regard des autres et des critiques.

L’art brut est ainsi un outil fabuleux permettant aux personnes en souffrance de retrouver une raison d’être à travers leur imaginaire ou leurs fantasmes.

 

Chez Epsilon Melia, nous accordons une grande importance à ce type d’art . Nous sommes allés à la rencontre d’artistes en situation de handicap mental et psychique afin de nous immerger un petit moment dans leur monde. Aujourd’hui, nous souhaitons mettre en valeur leurs œuvres dans nos supports et nos formations. Parce que la créativité est une des valeurs d’Epsilon Melia.